"Les gouttes d'encre"

Les mains pourpres

Extrait 1

Mais lorsqu’on a plus rien à perdre, Dieu et Diable ne sont jamais loin de nous…! De fait, le silencieux de l’arme et les premiers grondements complices du tonnerre, empêchent les sentinelles abritées sous les ailes de l’avion, d’entendre les détonations.

Les deux hommes qui se trouvaient dans l’encadrement de la porte du container tombent comme des bûches. Au second coup de feu, Massoko bondit sur les sentinelles, avec moi sur ses talons. La première balle de son 45 fait exploser la tête de la première. La mienne traverse la gorge de la seconde. Pas de pardon à bout portant ! Pourtant l’homme chancelle à peine, il se retourne, me regarde l’air ahuri et tombe à genoux. Lorsqu’il meurt sans vraiment comprendre, je ne suis déjà plus là. Mon souci immédiat c’est l’avion, mais avant de m’occuper de lui je dois être sûr que l’attaque se déroule comme prévu, de plus, ma coopération est nécessaire jusqu’à ce que nous ayons un avantage certain. Je cours aux cotés de Massoko vers notre position prévue - un arbre à une quinzaine de mètres de l’avion, d’où nous pouvons couvrir notre secteur de terrain et protéger l’avion. Couverts par Kasso qui arrose rageusement tout le secteur des containers avec son fusil mitrailleur, Angelo et Kouadi» sont partis en même temps et sont déjà à portée de grenades de leurs objectifs. Les rafales de nos Thompsons et celles rageuses des FM, sèment la panique chez nos adversaires qui sortent de leur abri comme des guêpes de leur nid. La plupart ne va pas loin… Le F.M de Pato fauche les deux premiers sans pitié. Le capitaine en abat deux comme à la foire.

Christian, vautré dans la boue vingt mètres devant nous, en abat deux autres qui tentaient de passer à droite, derrière les containers. Moi je verrouille l’autre coté, plus sombre, car si un ou deux d’entre eux réussissent à passer, ils seront invisibles sous les arbres d’où ils pourraient nous allumer sans risques. J’en repère quatre, ou cinq, qui tentent de se faufiler par-là ! De deux petites rafales bien ajustées je règle le compte de deux d’entre eux. Les autres se replient. L’un d’eux passe entre les giclées de balles… Il porte un grand plat à tarte sur sa tête, c’est le pilote !

Les premières grenades éclatent : Angelo et Kouadi ont réussi ! La citerne explose, c’est terrible, presque au ralenti, elle monte en l’air comme une énorme boule de feu jaune orange ; je commence à être inquiet, mais la parabole qu’elle décrit la fait retomber du bon coté, sur les containers qui s’embrasent simultanément. D’immenses langues d’essence enflammée se projettent dans toutes les directions et le GMC s’embrase du même coup ! Une vague de chaleur intense nous enveloppe, j’ai l’impression de brûler et de respirer à coté d’un puits de pétrole en feu. Nos treillis imbibés d’eau fument la vapeur d’eau comme un faitout et son pot au feu. Des silhouettes jaillissent du brasier ; comme de grands feus follets, elles s’égaillent dans tous les sens pour s’affaler quelques mètres plus loin. Malgré le fracas on les entend hurler.

Je n’ai jamais imaginé un truc pareil, tous mes muscles sont tendus comme des cordes d’arc, et j’ai peur de regarder du coté de l’avion… Mes mâchoires sont serrées à me briser les dents ; je suis sans réaction. A ma gauche, Massoko, qui tire sans discontinuer  me donne un violent coup d’épaule et me jette un regard intense en me désignant les hommes qui brûlent. Il a raison, on ne peut rien faire d’autre ; mais sans l’avoir constaté par moi-même, je n'imaginais pas capable un tel geste de pitié de sa part … Je découvre que la mienne , avant cet instant ,   était protégée par une notion de logique  : la balle tue – le feu brûle   ! Je réalise que j’ai encore beaucoup à apprendre sur l’homme  ! ! Mes rafales rejoignent les siennes, jusqu’à ce que les cris cessent. Poursuivant mon réflexe premier, dans la foulée je laisse ma Thompson sur ma poitrine pour m’élancer à la lueur de l’incendie mon colt 45 à la main. Je veux stopper ce pilote qui, ayant repris son sprint en zigzagant comme un fou poursuivi par les balles d’un FM. Je vide le chargeur, mais en pure perte car il a le cul bordé de nouilles ce gars ! Je rengaine l’arme pour reprendre la Thompson qui ballotte sur ma poitrine… Un coup ! Violent ! Je boule à terre comme un lapin. Aïe ! Je viens de morfler quelque-chose dans le coté droit… Ca fait mal… !

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