"Les gouttes d'encre"

"Lettre à une farfadette souriante "

Lettre à une très jeune fille, en réponse à ses voeux de nouvelle année.

Je te remercie tout d'abord de tes voeux, et surtout de ton joli poème qui les accompagnait. N'en ayant pas un sous la main, je te renvoie une "petite réflexion", que j'espère, tu trouveras sympathique.

Lorsque j’avais ton âge, farfadette, je pensais parfois à mes futurs peut-être 40 ou 50 ans… Les 60 ? Que nenni, je n’imaginais pas que je puisse avoir 60 ans ! Oh, je n’y pensais pas longtemps, car ce que j’en percevais de ceux qui les affichaient, me faisait peur. Je voyais cela « tellement – loin - » avec une notion du temps qui voisinait avec ce que l’on s’évertuait à me faire concevoir : « L’éternité » – « pas possible que cela m’arrive… » me disais-je ; pour moi ce sera obligatoirement une erreur ! « Et puis, le monde sera fini avant… » Aussi, comme j’ai grandi dans une famille extrêmement croyante, je ne croyais vraiment qu’à un paradis où tout le monde il est beau et gentil. Alors j’étais certain que MOI je ne pouvais qu’y entrer : vivant… ! C’était une certitude ! Et puis, ensuite, la vie entoure, séduit, inquiète, affole, parfois superbement, parfois de feu ou de froid et quelquefois des deux. Puis, lorsqu’on arrive à se tenir debout, lorsqu’on arrive à se tenir droit et à relever la tête, on croit avoir apprivoisé les amours et dompté ses peurs…

Quelque-chose, tu ne sais pas toujours quoi, te frappe à la nuque et tu comprends que si tu veux pouvoir te relever, tu dois baisser la tête, voire te plier en deux et vaciller sur tes racines pour amortir le coup et ne pas être brisé tel le chêne d’Esope, revu et corrigé par Mr de la Fontaine tombé par hasard sur un dictionnaire de Grec ancien. Et tu t’aperçois que tu n’es pas tout seul au monde, qu’à ta gauche tu n’avais pas vu le copain Rudyard Kipling qui te tendait un poème d’évidence (celui-là, tu devras en trouver le titre) et qu’à ta droite Cyrano de Bergerac te déclamer sa scène VIII de l’acte II de sa vie dont Edmond Rostand battait la mesure à deux pas de là (là, je te donne un coup de pouce); que derrière toi, le truand-poète François Villon (loin d’être aussi sympa qu’on veut bien le faire croire) te chantait « la ballade des pendus » ; que devant toi, un certain autre « graffiteur tendait un poème en réponse à un enfant qui lui demandait : « Dis moi monsieur, c’est qui la poésie ? »… Et qu’enfin, ton père et ta mère, juste devant toi, en transparence, cherchaient à t’initier aux mystères du pendule, pour te donner les moyens de toujours rester un pas en arrière des philosophies de l’aléatoire, ainsi que des dogmes de la raison de ceux qui prétendent tout savoir. Quand tu as fini d’ouvrir les yeux et tes oreilles, et que tu as englouti tout ça, tu réalises que tu es devenu propriétaire de ta destinée.

OUF ! Enfin ! Tu fais un tour d’horizon… Oui, là, SU-PER-BE ! Le ciel est clair… Loin au dessus, la mer est bleu-vert… Là-bas au loin, Et que les montagnes sont vert-chatoyant… Là-bas au loin ! Tu baisses les yeux et tu t’aperçois que tes pieds bien chaussés, sont au centre d’un petit cercle d’où partent pleins de chemins, tous dans une direction différente. Sacré dilemme ! C’est là que tu auras peut-être la chance, en cherchant ton mouchoir dans ta poche, que tes doigts rencontrent le pendule que t’ont offert tes parents… Et que tout ce qu’il t’en ont appris te reviendras en mémoire. Il ne faudra pas que tu oublies que le pendule ne répond qu’à son maître, pour son maître, à l’exclusion de toute autre personne ; et que le chemin qu’il t’indiquera ne sera que le tien. C’est ainsi qu’à chaque pas que tu feras dessus, il s’autodétruira derrière, dès que tu l’auras franchi.

Quand on sait tout ça, regarder en arrière est devenu inutile. Regarder devant, jusqu’au prochain carrefour est le seul objectif raisonnable. Le passé ? Eh bien, la mémoire bien construite permet de « bien » l’emporter avec soi, pour toujours l’avoir en respect et référence. Et toc ! Je ne sais pas ce qui m’a pris de t’écrire tout ce laïus, mais, comme je viens juste de te le dire, c’est fait, c’est fait et l’effacer ne sert à rien… Qu’à le regretter. Re-toc !

Petit farfadet souriant, je te souhaites une superbe année 2006, remplie de soleil et d’étoiles merveilleuses.

Copyright©Michel-Louis LEONARD 2005

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